Très souvent à l’internat, après nous être levés, on découvrait une grosse merde dans les toilettes. Le truc, c’est qu’il n’y avait pas de papier ni rien avec, juste un gros colombin qui flottait. Alors on se disait : « putain le gars il est venu là, s’est assis, a posé sa crotte et puis voilà. Il est parti sans même s’essuyer ni tirer la chasse. A l’aise le mec. »
Le truc c’est que chacun à fait cette malencontreuse découverte séparément –normal c’est les toilettes- donc au début chacun pensait que c’était un évènement isolé. Peu de temps après, les gens ont commencé à parler, je ne sais pas comment c’est arrivé mais sans doute quelqu’un aura lancé dans la salle d’étude ou dans la salle de bain « la vache les gars ce matin j’ai vu cake énorme dans les chiottes ! » et là « ah ouai ! moi aussi y’avait un bronze qui flottait quand j’y suis allé à 8h y’a 2 jours ! ».
Donc là on a commencé à chercher qui c’était, à communiquer entre nous, mais caca-man ( c’est comme ça qu’on avait décidé de l’appeler) brouillait les pistes : c’était pas tout les jours et pas à heure fixe. On trouvait une taupe dans la cuvette au moment où on s’y attendait le moins. Puis la paranoïa s’est installée, ne trouvant pas le coupable on a commencé à tous se suspecter, à vérifier qui faisait quoi et à quel moment. Chacun essayant de se justifier en disant à qui voulait l’entendre qu’il s’essuyait le cul lui, et qu’il trouvait ça dégueu de ne pas tirer la chasse. En plus, des fois, dégoutés de notre trouvaille le matin, on changeait simplement de toilette sans tirer la chasse et en maudissant le crotteur fou (c’est aussi comme ça qu’on l’appelait) donc il était possible de retomber plusieurs fois dans la journée sur la même merde en croyant que caca-man avait récidivé et qu’il frappait maintenant en plein après-midi au grand jour alors que l’internat était pourtant fermé.
Comme pour Jack l’éventreur, on a eu un suspect, quelqu’un à l’hygiène douteuse qui correspondait parfaitement au profil du crotteur fou, mais on a jamais eu de preuve directe et on ne l’a jamais pris sur le fait.
Chaque étron faisait pourtant l’objet d’une étude approfondie, on recoupait les emplois du temps et on demandait si quelqu’un avait aperçu une silhouette sombre sortir hâtivement des toilettes. Il nous est même arrivé de tomber nez à nez avec un sous-marin le lundi matin. Déconcertant.
L’affaire s’est doucement tassée, les bouses étant toujours au rendez-vous mais plus personne ne s’en étonnait. On en a conclu que c’était certainement le CPE qui posait des renards de temps en temps et qui ne tirait pas la chasse juste pour nous faire chier.
Le CPE n’aimait pas trop les adolescents.